L'enfer, c'est les autres

Publié le par Yseult

J'ai failli intituler cet article Bande d'enfoirés, voire pire, avant de me dire que citer Jean-Paul Sartre serait quand même plus classe, plus distingué, et vous permettrait de mieux comprendre la gueulante que je vais pousser d'ici quelques paragraphes.
Tout d'abord, pour le choix de la citation - ce blog ne serait pas classé dans la catégorie vie perso si je ne racontais pas un peu ma vie, n'est-ce pas ? - j'ai découvert cette phrase il y a moins d'un an, honte à moi. C'est une de mes amies qui me l'a dit un jour où on venait de s'énerver quelque chose de bien contre des enquiquineurs de première. Et Sartre a tellement bien dit ce que je pense depuis longtemps sans pouvoir l'exprimer que cette citation est devenue un de mes credo.
Non, je ne suis pas misanthrope, mais je trouve que la plupart des êtres humains, moi en premier, sont assez pénibles. Parfois à se demander s'ils font exprès d'embêter les autres pour évacuer leurs propres contrariétés. Bon, ça c'est le sens premier, celui qui m'est venu instantanément. Puis je me suis dit que même les "autres" qui ne cherchaient pas consciemment à nous faire du mal contribuent à faire de notre vie un éternel épuisement. Pour ne citer que ma mère et ma soeur, que j'aime énormément : il faut toujours faire attention à ce qu'on dit, à ce qu'on fait, pour leur faire plaisir et les aider ou leur prouver qu'on les aime.
Pour les amis, pareil, voire pire : on n'est jamais totalement sincère avec ses amis. Même ceux qu'on aime le plus. Par peur d'avoir l'air bête, de les embêter avec nos soucis, notre vie dont on pense qu'elle ne l'intéresse pas au point de nous écouter même sur des sujets qui nous tiennnent à coeur... Et au final on s'enferme tout seul, on se forge une carapace à destination des gens qu'on aime, et le soir on se couche exténué mentalement. Moi, l'un des moments où je me sens le plus en paix est quand, seule avec un livre ou devant mon ordinateur dans ma maison vide - de nuit de préférence - je me sens libre, je regarde des films, je lis, je fais ce que je veux dans l'anonymat réconfortant que procure la Toile. Ce n'est pas pour autant que je déteste la vie en société, mais je n'aime pas le sentiment inconfortable que me procure le fait de penser que je suis hypocrite.

Bref, fini pour l'introspection qui au lieu de prendre trois phrases comme je l'escomptais, s'est tapée toute seule sur mon clavier, et revenons-en à cet évènement qui m'a donné envie de trucider la Terre entière.
Mardi il y a dix jours, en retard, je descends du car à toute allure en y oubliant le magnifique béret noir et gris que j'avais reçu à Noël. Non seulement il était superbe, mais en plus il avait une énorme valeur affective pour moi. J'étais abattue en arrivant, mais j'ai ensuite pensé à appeler le dépôt au cas où. Rien. Le lendemain, je rappelle : rien. Le samedi : rien. Je ne vous raconte pas l'état dans lequel j'étais, coupable et furieuse, état renforcé par ma mère qui ne cessait de me dire "Mais je t'ai toujours dit quand tu étais petite de ne JAMAIS laisser tes affaires sur tes genoux dans le bus !" même si je sentais qu'au fond, elle était aussi triste que moi.
Le lundi, je rappelle au cas où, et alléluia : "Oui, nous l'avons, il est juste là mademoiselle." Hurlement de joie derrière moi, oui j'ai honte, c'est ma génitrice. Elle m'offre d'aller le chercher au dépôt le mercredi après-midi, puisque je suis occupée. Et coup de téléphone vers 16h : "Oui, ma chérie, je suis désolée... Le monsieur - charmant d'ailleurs, il est très beau et très gentil - m'a dit que quelqu'un est venu le chercher entre lundi et aujourd'hui... Les affaires étaient entassées dans des cartons, et les gens se servent eux-mêmes..." Je demande s'il n'est pas dans un recoin, s'ils prennent les numéros de téléphone des gens venus récupérer leurs biens... Mais ce n'est pas un service des objets trouvés ici.
Je mets plusieurs secondes à récupérer l'usage de mes doigts et éteins le téléphone. Je reste deux bonnes minutes, le visage sans expression, le regard fixé droit devant moi, une seule pensée en tête : Mais comment est-ce possible ? Comment est-il possible de voler un objet à cet endroit ? Si je n'avais jamais retrouvé mon béret après l'avoir perdu dans le bus, j'aurais été abattue, mais j'aurais reconnu la cupidité naturelle de la nature humaine. Alors que là, il avait été retrouvé, mis à un endroit où seuls les gens qui ont perdu leurs affaires viennent. L'ascenseur émotionnel a renforcé mon choc.
Si on reconstitue les faits, deux hypothèses s'offrent à moi :
- soit quelqu'un ayant perdu son sac, son écharpe ou que sais-je encore est venue farfouiller dans les boîtes, est tombé sur mon béret et l'a trouvé tellement beau qu'il est reparti avec ;
- soit il existe des gens qui ont l'habitude de venir ici, et de chercher ce qui pourrait leur plaire parmi les récentes pertes des usagers des transports en commun.
Dans le premier cas, il faut être sacrément con pour faire à quelqu'un d'autre ce qu'on ne voudrait pas qu'on nous fasse : cette personne est censée savoir ce que cela fait de perdre un objet, non ? Dans le deuxième... Je n'arrive même pas à imaginer le degré d'abjection de cet individu.
Là, tout de suite, en écrivant cet article, j'ai envie de taper quelque chose - ou quelqu'un. Moi si bien élevée, j'ai envie de trouver ce(tte) salaud/ope et de lui hurler toutes les insultes que je connais. La première et seule chose que j'ai volée de toute ma vie est un bonbon chez le marchand de tabac, quand j'avais 6 ans et que ma mère avait refusé de me le prendre. La marchande m'avait vue, ma mère avait payé et je me souviens encore du hurlement que ma mère avait poussé une fois à la maison, assorti d'une fessée et d'une punition plus que méritées.
Comment est-il possible de voler quelque chose au dépôt, alors qu'on sait que les gens vont probabelement revenir les chercher ? Comment est-il possible de voler tout court - surtout que, je suppose, la personnne qui a commis cet acte n'était pas dans un besoin pressant ?

Là, je désespère de la nature humaine. Sincèrement. Plus je vois les gens, et plus je me demande comment on a réussi à ne pas s'exterminer totalement depuis les milliers d'années que nous existons. Je suis en enfer, et cet enfer, c'est les autres.

Publié dans Blabla d'Yseult

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